S’il n’est pas en mon pouvoir d’apaiser les passions de ceux qui font de ces questions des dogmes quasi religieux, je voudrais donner à ceux qui sont capables d’écoute des éléments de réflexion aussi objectifs que possible.
Une “bible” trompeuse
La “bible” des partisans de « Vilhèra » est le Dictionnaire toponymique des communes du Béarn de M. Michel Grosclaude († 2002), publié en 1991 et réédité en 2006, que je citerai ici d’après l’édition que j’ai achetée en 1991. Mais ce n’est qu’une œuvre parmi d’autres, sans aucun caractère officiel, et qui n’est pas toujours « rigoureusement scientifique » comme l’auteur écrit qu’il l’aurait voulue (p. 9) ; nous le verrons bien vite.
En effet, après avoir écrit en 1985 « Je me sens plus historien que linguiste », il ressort de l’Introduction que pour ce qui est de l’« Orthographe restituée » qu’il allait proposer pour chaque commune, il ne serait ni l’un ni l’autre ; on y lit en effet (les gras sont de moi) :
p. 20 : « Un des objectifs qui a motivé ce travail était de proposer une orthographe béarnaise correcte des toponymes béarnais. »
et p. 30 : « Ce que nous appelons “orthographe béarnaise correcte”, c’est ce que certains ont appelé “orthographe classique”, d’autres “orthographe normalisée”, d’autres encore “orthographe de l’Institut [d’]Etudes Occitanes”, […]. »
Comme en bon français « restituer » c’est « remettre à sa place primitive, dans son état premier ou normal » (Alain Rey, Dictionnaire historique de la langue française), l’expression « orthographe restituée » est donc une tromperie de militant. Le Dictionnnaire équivalent que M. Groslaude signera en 2001 pour les Hautes-Pyrénées sera honnête, lui (peut-être sous la pression des élus de ce département), il proposera franchement l’« Orthographe occitane » du nom de chaque commune.
Un “historien” peu fiable
Néanmoins, M. Grosclaude va créer l’illusion en partant des « dénominations historiques » du nom de Billère ; mais ce n’est pas lui qui les a recueillies, il les a empruntées pour la plupart au Dictionnaire topographique du département des Basses-Pyrénées publié en 1863 par Paul Raymond, l’Archiviste du département. Les voici, face à face :
En creusant un peu, on voit vite les faiblesses du prétendu “historien”. Il commence bien, en transférant sur Bilhères d’Ossau la première mention donnée par P. Raymond, et même si elle n’est pas assez sure pour qu’on la retienne, j’ai pu vérifier chez Marca (1640) qu’elle concerne bien notre Billère près de Pau. Puis M. Grosclaude reproduit le Vilhere relevé par P. Raymond dans le recensement de 1385, sans s’être soucié de l’édition complète du manuscrit de ce recensement (ou Dénombrement) publiée par P. Raymond en 1873 : là, ayant sans doute pris plus de temps, P. Raymond a noté 4 Bilhere, mais aucun Vilhere. Le Bilhere suivant est noté comme de 1457, dans le Cartulaire d’Ossau ; un cartulaire, c’est un recueil d’actes juridiques intéressant une institution, ici la Vallée d’Ossau ; en fait il y en a deux, dits A et B, qui ont été publiés en 1970 par un vrai historien, le Pr. Pierre Tucoo-Chala ; ce Bilhere de 1457 y est bien, p. 300, mais au total, j’ai dénombré 49 Bilhere et 7 Vilhere dans des actes datés du 13 juillet 1435 au 22 septembre 1481 ; M. Grosclaude ne l’a pas fait. Je n’ai pu vérifier Vilhera situé dans la collection manuscrite dite « Réformation de Béarn », non éditée ; je n’ai cependant aucune raison d’en douter. Enfin, je puis ajouter Bilhera présent dans un acte des Notaires de Pau de 1562 (E 1997 f° 178), publié par Amédée Cauhapé dans Païs gascons n° 223 de septembre 2004, donc après le décès de M. Grosclaude.
Ce qu’aurait dû faire un véritable historien
Partons d’une récapitulation des dénominations anciennes relevées sur 177 ans :
En négligeant l’accent grave qui n’existait pas jadis, toutes ces attestations ont en commun les 5 lettres centrales, ilher, différant de la graphie officielle illèr ; 54 ont B à l’initiale, comme l’officielle, 8 seulement V ; et pour la finale, 60 ont e, comme l’officielle, deux seulement a et ce sont les plus récentes.
La forme ancienne, de loin la plus attestée, est donc Bilhère.
Conclusion
En choisissant le V- et le -a, tous deux largement minoritaires, M. Grosclaude n’a donc en rien « restitué » l’orthographe ancienne de la langue du pays, il a fait œuvre de militant occitaniste, un point, c’est tout.
Le suivre les yeux fermés, c’est faire preuve d’incompétence.
Et le suivre consciemment en disant qu’on sauve le patrimone béarnais, c’est mentir.
Aux élus et à la population de Billère d’en tirer les conséquences.
Jean Lafitte
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